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Le pendule du sourcier des Ouled Boukhil

En ce début d’automne, septembre 2017,  j’ai fait une rencontre inattendue et passionnante avec l’un des plus connus chercheurs d’eau de la région de Sedrata : le sourcier des Ouled Boukhil, Chaabane Heni. 

Pendule à la main, le vieil homme, Chaabane Heni,  héritier d’une longue tradition transmise de génération en génération,  préserve, dans sa quête de la vie, cette activité ancestrale.

Le coude libre, permet au pendule de se balancer doucement au bout de sa chaînette. Cet outil suspendu oscille et s’arrête à chaque point d’inflexion pour annoncer la bonne nouvelle. Les récits et découvertes de sources d’eau dans la région sont accompagnés d’anecdotes de tout genre.

Le pouce et l’index placés en « pincettes », le poignet horizontal, le sourcier des Ouled Boukhil, Chaabane Heni, entame sa mise en connexion créant ce lien entre l’inconscient et le conscient. Ainsi, les vibrations involontaires de son bras sont transmises et amplifiées par le pendule qui les rend visibles. Dans sa course, le pendule prend deux directions.  Si le mouvement accompagne le sens des aiguilles d’une montre, le potentiel hydrique est favorable : eau douce. Si le pendule tourne dans le sens inverse, le potentiel hydrique est défavorable : eau saline, présence de métaux ferreux… .

Le vieil homme, Chaabane Heni, en fin connaisseur, au point d’inflexion, insiste sur les marquages et mentionne la nature des excavations, leurs diamètres et aussi certaines profondeurs. Si l’intensité est importante, des chiffres récurrents et convenus sont évoqués. Il détermine alors les étapes de creusage du puits compte tenu des profondeurs indiquées. Très sûr de lui, c’est avec une grande fierté qu’il indique du doigt les différents lieux où le précieux liquide a jailli dans la région.

Ce don, contesté par le milieu scientifique, reste pourtant une méthode  de prospection privilégiée dans ces régions reculées, sans moyens de détection reconnus où l’apport avéré immédiat est très minime.

Il trouve une forme de rationalité chez le professeur Yves Rocard. Ce dernier a donné une large assise à sa théorie du « signal du sourcier ». Pour lui,  en résumé, l’eau, en filtrant à travers le sol, peut créer de très faibles courants électriques et donc des champs magnétiques. Disposant d’un magnétomètre à protons, il a fait des relevés sur des zones sourcières. Il a ainsi pu constater qu’à chaque fois que le réflexe du sourcier se déclenchait, était enregistrée sur la zone une « bosse » magnétique, même en l’absence de source.

Cette théorie « révolutionnaire » n’est pas totalement écartée par tous les chercheurs. D’autres expériences ont été menées dans de nombreux pays. Par exemple, en Russie, à la fin des années 1960, sept cents sourciers ont été invités à se « balader » dans les plaines du Kazakhstan. Munis de baguettes en fibre de verre, ils étaient suivis par des hélicoptères dotés de magnétomètres à « flux gate ». Le rapport a noté qu’il existait une réelle corrélation entre les points sourciers et les anomalies magnétiques. Le professeur Yves Rocard, décédé en 1992 (père de Michel Rocard, homme politique français), scientifique et savant,  homme de grande érudition, très curieux des phénomènes de la vie, n’a jamais eu peur d’affronter la communauté scientifique sur des sujets considérés comme tabous. Selon lui, cette sensibilité varie beaucoup d’un individu à l’autre, et même au cours d’une même journée, suivant les perturbations magnétiques que l’on subit sans s’en rendre compte.

Porteur d’une tradition millénaire qui garde bien ses secrets, le sourcier des Ouled Boukhil, Chaabane Heni, fait partie de ces hommes hors du commun qui dans leur singularité ouvrent parfois bien des portes entre les deux mondes. 

 

 

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